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A l’autre bout du fleuve royal, à quelques lieues du Gerbier de Jonc, est un village de la montagne ardéchoise où vécurent nombre de mes ancêtres. Humbles paysans, marchands, notaires, hobereaux protestants ou catholiques, ils ont fait l’histoire de ce pays rude, de ce Vivarais de conflits et d’émigration, aujourd’hui terre de loisirs et de vacances.

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LA FIN DE LA SEIGNEURIE DE BURZET    (1)

L'arbre généalogique des seigneurs de Burzet
Aux confins du Vivarais et de la Montagne, au fond de la vallée de la Bourges, la petite ville de Burzet (Beorzetum – petit bourg) est bâtie à cheval sur la rivière. En amont du pont du Vivarais auquel aboutissent les chemins muletiers descendant de la montagne, le quartier où se dresse l'église St André bâtie à partir de 1451. En aval, la route aboutissant au pont sépare en deux la ville proprement dite, jadis la troisième en population (3000 habitants avant la Révolution) du diocèse de Viviers. Sa situation au débouché des chemins de montagne, dans une vallée favorable aux cultures, lui vaut dès le Moyen-âge une prospérité marquée par d'importantes foires et la présence de nombreux marchands et hommes de lois. Le pont, jadis lieu de péage est dominé par le château seigneurial où les actes importants de la Seigneurie sont passés jusqu'à la fin du XVIIe siècle.

Avant 1400 - Le château et ses premiers seigneurs

 On ne sait rien de l'époque de la construction du château et fort peu de ses premiers occupants. La première race des seigneurs de Burzet a laissé trace de quelques actes passés à partir du début du XIIIe siècle (1205 – acte par Ymbert de Burzet). En 1394, Françoise de Fayet, veuve de Raymond de Burzet afferme la terre et le château. La sœur de Raymond, Alasie est la dernière héritière de sa famille, elle se marie à la même époque avec Pierre de Corneilhan seigneur de la Baume-Cornillane en Dauphiné. Ce village et Burzet vont voir leur destin lié sous les mêmes seigneurs durant près de deux siècles.

 1400-1591 Seigneurs de la Baume-Cornillane et de Burzet

La Baume-Cornillane, dont le château bâti vers le XIIe siècle par les ancêtres de Pierre est aujourd'hui à peine plus identifiable que celui de Burzet, est un village situé non loin de Valence sur une colline adossée à un chaînon des Alpes. Pierre, mort en 1430, son fils Antoine 1er épouse Guyote de Poitiers fille naturelle de Louis II comte de Valentinois et de Diois, s'alliant ainsi avec l'une des plus puissantes familles de la vallée du Rhône (famille à laquelle appartenait Diane de Poitiers). Ses fils visitent leur seigneurie du Vivarais et passent plusieurs actes au château de Burzet. Louis, l'aîné, également protonotaire du Saint-Siège y nomme un bailli en 1443 et en 1451. C'est cette même année qu'il meurt et est enterré au château de Burzet. Son frère Antoine II lui succède et en 1457 dans un acte passé avec sa mère Guyote, il remet à Jean Boutelier de Burzet, les biens confisqués à sa femme. L'acte parait anodin, il témoigne pourtant d'une réalité qui mérite qu'on s'y attarde :
Le seigneur est haut justicier et de ce fait les justiciables de la cour de justice de Burzet peuvent s'entendre décréter une sentence de mort. Catherine Dusserre, femme de Jean Boutelier, convaincue d'hérésie, est pendue. La Réforme protestante n'apparaissant que 70 ans plus tard dans le Vivarais (1528 à Annonay) l'hérésie dont est accusée Catherine Dusserre ne peut être liée à la cause protestante, mais pourrait l'être à un autre mouvement très présent dans ces années-la dans les environ de la Baume-Cornillane. L'abominable hérésie des Vaudois ou Pauvres de Lyon (la secte a été fondée par Pierre Waldo de Lyon vers 1200) est en effet présente et persécutée à la Baume, elle y fait pourtant de nombreux adeptes en répandant des préceptes de pureté évangélique. Moins avérée dans les montagnes d'outre-Rhône, elle a pu cependant faire son apparition à Burzet en raison des liens qui unissaient les deux seigneuries.

Antoine II épouse Galbasie de Goys, famille possessionnée à Burzet. Son frère est également prieur de Burzet possession du monastère de Charaix (situé près du col de l'Escrinet, ce monastère de l'ordre des Augustins sera détruit par les protestants en 1570). En 1463, Antoine II fait son testament en demandant que son corps soit ramené à Burzet un an après sa mort. De Galbasie, il aura Ymbert (mort vers 1482) qui lui succèdera comme seigneur de la Baume-Cornillane et Burzet et Albert qui succèdera à son frère, un autre de leur frère, Robert de Corneilhan sera prieur de Burzet en 1496. Marié à Catherine Forestier, Albert semble surtout attaché à la Baume. Il fait graver sur une pierre de son château l'année de son testament : IBI LONGE BEATUS FUI MDXXI (Ici j'ai été longtemps heureux 1521). Albert survécut longtemps après son testament puisqu'en 1538 son châtelain de la Baume le représente pour l'arrentement de la seigneurie de Burzet. Il marie sa fille unique Catherine à un illustre capitaine de la garde noble de François 1er : Thierry (ou Thiers) d'Urre (ou Eurre, village voisin) que sa bravoure a fait surnommer Tartarin. Il meurt avant 1543 car à cette date, Thiers d'Urre a succédé à son beau-père et se qualifie de seigneur de Burzet. Ce dernier est présent à Burzet dès 1542 comme témoin à un contrat de mariage passé à la maison noble du Fau mais il meurt peu après. L'illustre Tartarin est enterré à Burzet. La présence de sa veuve Catherine à Burzet est avérée dans les années 1546-1547 par divers actes.
Thiers d'Urre et Catherine de Corneilhan ont eu 6 enfants. L'aîné des fils, Guillaume succède à son père dans les deux seigneuries mais meurt en 1555. Son frère Charles surnommé Cornilhan du nom de sa mère, arrente la terre de Burzet en 1561 pour 750 livres par an et fait la même année son testament dans la chambre de la chapelle du château de Burzet. Il déclare vouloir sa sépulture à La Baume s'il meurt en Dauphiné, à Burzet au tombeau de son père, s'il meurt en Vivarais. Son testament prévoit des legs à l'hôpital de Burzet.
Catherine de Corneilhan dame douairière de la Baume et de Burzet va survivre à son mari et à la plupart de ses enfants. Dernière de son nom, elle va marquer l'histoire de son village de la Baume par le rôle qu'elle va jouer dans sa conversion au protestantisme, et l'histoire de Burzet, où la Réforme va être favorisée par la présence d'un seigneur protestant.
 
En 1963, le village de la Baume-Cornillane organisa un son et lumière pour commémorer le quatrième centenaire de sa conversion au protestantisme. L'une des scènes présentait dame Catherine recevant une bible des mains d'un colporteur vaudois. Les Vaudois du Valentinois sont parmi les premiers à rejoindre la Réforme protestante. Dès 1530, à l'époque où elle pénètre en Vivarais il est question d'un projet d'union des Vaudois de Provence et du Dauphiné avec les Luthériens d'Allemagne. Une église protestante est fondée à Valence en 1559. En 1562, le célèbre réformateur Farel préside le synode de Montélimar et visite peut-être la Baume. Le 8 avril 1562, Charles d'Urre seigneur de la Baume-Cornillane et de Burzet déclare au Parlement de Grenoble qu'il veut vivre dorénavant selon les prescriptions de la pure doctrine réformée.
Les historiens de la Baume qui attribuent la conversion de leur village au Protestantisme à Catherine, s'appuient sur le testament de cette dernière, passé en 1579 devant un notaire delphinal. Elle y stipule qu'elle veut et ordonne que son héritier souffre et permette l'exercice de la Religion Réformée être fait perpétuellement au dit lieu de la Baume …
Il n'est fait cependant nulle mention dans ce testament de la seigneurie de Burzet. Celle –ci a alors comme titulaire Marie d'Urre, la fille unique de Charles (on l'appelle aussi Mansie), alors que sa grand-mère Catherine de Cornilhan s'est réservée la seigneurie de la Baume-Cornillane. La volonté de Catherine de conserver son domaine de la Baume à la Réforme la conduit à désigner comme héritier le fils d'une de ses filles : Charles des Alrics (fils de René des Alrics et d'Honorée d'Urre). C'est un protestant intransigeant, Maître de camp du trop fameux baron des Adrets qui, avec ses bandes armées, dévaste couvents, église et villages catholiques. Son cousin Gabriel de Forest (fils d'André de Forest et de Catherine d'Urre) doit recueillir l'héritage si Charles des Alrics faillit à sa mission de maintenir la Baume-Cornillane à la Réforme protestante.

Les deux seigneuries, tout en maintenant des alliances matrimoniales, vont désormais suivre des destinées différentes. La Baume-Cornillane, malgré le désir de ses habitants devra accepter le retour du culte catholique prévu par l'Edit de Nantes (1598) mais reste fidèle à la Réforme. Charles des Alrics-Cornilhan mort en 1624 ne verra pas, deux ans plus tard, la démolition de son château de la Baume par décision du Parlement de Grenoble "pour éviter que aucuns rebelles de la religion prétendue réformée ne s'en emparassent".
A Burzet, la Réforme protestante va se développer dans le dernier tiers du XVIe siècle sous la protection de son seigneur Charles d'Urre et de sa fille Mansie. Notaires et marchands (familles Arnaud, Lacombe, Robert …) se disent alors huguenots. Un temple et un cimetière sont bâtis côté vallée, à l'opposé de l'église St André. A l'angle de la place du marché s'élève la maison où se réunit le Consistoire des protestants, mais on ne peut parler d'Eglise protestante et Burzet semble plutôt rattachée à Meyras où Jaujac pour le Culte.
En 1580 et 1581, les deux cousins, Charles des Alrics seigneur de la Baune-Cornillane et Mansie d'Urre dame de Burzet épousent l'un Marguerite, l'autre Jacques de Grolée-Viriville frère et sœur, enfants d'un seigneur catholique mort en 1569 en combattant les huguenots à la bataille de Moncontour.

L'histoire familiale mouvementée des descendants de Jacques de Grolée et Mansie d'Urre va accompagner l'histoire de Burzet et de son château pendant le XVIIe siècle.

 
 

 

 


 

Tag(s) : #Raconter son village