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René Rémond
« Quand l’état se mêle de l’Histoire »
Stock 2006

Mise au point salutaire d’un maître de notre histoire contemporaine à propos des lois « mémorielles », ce petit essai dépasse largement le cadre de la polémique en abordant des thèmes aussi importants que les différences et les oppositions existant entre mémoire et histoire, ou l’appropriation supposée de l’histoire par les historiens.
« Les historiens ne forment pas une corporation. Le droit de parler d’histoire n’est pas réservé à ceux qui ont passé des concours ou obtenu des diplômes. Chacun, dès lors qu’il applique les règles du métier et se soumet à ses exigences, est historien… L’histoire appartient à tous, sa connaissance fait partie de l’identité et de la citoyenneté. » (p.65-66)
L’affirmation est réconfortante pour l’historien local ou l’autodidacte amateur d’histoire qui, tout en se pliant aux mêmes règles que les « historiens » se risque parfois à analyser documents et faits du passé.
Pourtant, face à ces nouvelles lois qui « disent l’histoire », qui, dans le petit monde de l’histoire locale nantaise osera aujourd’hui aborder la traite négrière, fait majeur et composante incontournable de notre passé ?


Marie d’Orléans, duchesse de Nemours
MEMOIRES
Contenant ce qui s’est passé de plus particulier en France pendant la guerre de Paris jusqu’à la prison du Cardinal de Retz en 1652, avec les différents caractères des personnes qui ont eu part à cette guerre.
Mercure de France Le temps retrouvé éd. de poche 2006

Un autre regard sur la Fronde que celui de cette cousine du cardinal de Retz (elle est la petite nièce d’Antoinette d’Orléans, femme de Charles de Gondi, l’une des plus pieuses « dames de Retz »), belle-fille de la fameuse duchesse de Longueville, sœur de Condé l’une des égéries de la « guerre de Paris ».
En Retz, comme la plupart de ses contemporains mémorialistes (sauf La Rochefoucauld), elle voit « l’ambition sans borne » d’un homme à l’esprit plein de chimères.

« Quant au coadjuteur, quoiqu'il parût et si empressé et si zélé pour grossir le parti du parlement, et quoi­qu'il en fût entêté, il n'avait jamais eu aucun sujet de se plaindre de la cour: au contraire, il devait à la Reine sa coadjutorerie de Paris. Mais il avait une ambition sans bornes, et à quelque prix que ce fût il voulait être cardinal, comme l'avaient été deux évêques de Paris de son nom. Un homme de bon sens, d'un cœur droit et d'une conduite régulière, aurait dû croire que la voie la plus sûre, la plus courte, la plus honnête et la plus juste pour parvenir à ses desseins auprès du prince, était sa fidélité; il en aurait fait ses principaux moyens, il n'aurait cher­ché à établir sa grandeur et sa gloire que dans ses devoirs seuls ; et enfin ses devoirs et sa fidélité pour son prince lui auraient tenu lieu de toutes choses. Mais comme le coadjuteur ne pouvait trouver que dans les aventures extraordinaires de quoi remplir ses idées vastes, et satisfaire toute l'étendue de son imagination, il crut au contraire qu'il trouverait beaucoup mieux son compte dans les partis et dans les troubles. Outre qu'ils flattaient bien davantage son inclination, il en avait tant pour toutes les choses extraordinaires, qu'il en aurait préféré une de cette nature qui aurait été médiocre ou mauvaise, à une qui aurait été bonne et solide, s'il n'avait pu y parve­nir que par des voies ordinaires. Son esprit, quoique pénétrant et d'une étendue assez vaste, était cepen­dant sujet à de si grandes traverses, qu'il se piquait généralement de tout ce qui ne lui pouvait convenir, jusqu'à se piquer de galanterie, quoique assez mal fait, et de valeur quoiqu'il fût prêtre.
Il avait encore bien d'autres faiblesses, qui furent la cause de tous les malheurs qu'il attira à la France. Mais on aurait assez de peine sans doute à s'imagi­ner ce qui a commencé à lui remplir l'esprit de toutes les chimères dont il était plein, et à concevoir qu'un homme de son caractère et de ses lumières ait pu se trouver susceptible d'une raison aussi creuse que celle qui a donné lieu à tous ses mouvements, et si vifs et si impétueux pour la Fronde et pour le par­lement. » (p.68_69)


Gérard Bollon
CAMUS ses séjours sur le plateau
Les séjours d’Albert Camus sur le plateau Vellave (1942-1952)
Le Chambon sur Lignon 2006

Si Albert Camus achève la Peste au château des Brefs (le Clion) en août 1946 (j’en reparlerai), il est un lieu autrement plus important dans la genèse de cette œuvre.
Le Panelier (on pense au père Paneloux, l’un des personnages de la Peste) est une grande maison forte du plateau du Haut Lignon au sud de la Haute-Loire. Réfugié là à la fin de l’été 1942, L’écrivain va y résider 14 mois, subissant vis-à-vis des siens l’épreuve d’une séparation dont il va faire le thème central de son récit.
Le Chambon sur Lignon, en pays protestant, lieu de résistance et de refuge pour les enfants juifs pendant la seconde guerre mondiale, va devenir après la guerre « …un grand centre d’estivants cultivés. Universitaires, médecins, ingénieurs, s’y retrouvent, se recueillent, méditent, s’entretiennent… » (Camus)
L’écrivain va revenir plusieurs fois au Chambon, Gérard Bollon cite le témoignage du pasteur Jean Perret qui rencontre Camus lors d’une université d’été en 1952. Pour qui a dans l’oreille les anathèmes du père Paneloux, les mots de Camus témoignent plus que tout de son « parti pris des hommes ».
Jean Perret : « Que pense-t-il de la révélation chrétienne ? » Quelle résonance l’Evangile de la grâce trouvait-il en son cœur ? J’ai tenté une fois de l’interroger. Je n’ai obtenu d’abord, comme je m’attendais, qu’un long silence et puis ces mots qui me l’ont ce jour-là rendu proche :
« -Voyez-vous je cherche à comprendre sans y parvenir comment on peut à la fois aimer les autres et accepter la notion d’élection et de salut individuel. Je crois bien que je serais toujours du côté des autres ! »
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