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La Monarchie de Juillet

 

           Le 1er août 1830, la nouvelle parvient à Nantes de la chute de Charles X. Louis-Hyacinthe Levesque quitte la ville le lendemain en compagnie du préfet. Le négociant Soubzmain le remplace à la mairie mais il reste député de l'arrondissement de Saint-Philbert. Il n'est pas question de dissoudre la Chambre élue le 23 juin.
           Le 7 août, les députés votent la révision de la Charte de 1814. En ce qui concerne les modalités électorales, la Chambre des députés (on supprime la mention des départements) voit son renouvellement s'effectuer globalement tous les 5 ans (et non plus par 1/5e tous les ans), l'age d'éligibilité passe de 40 à 30 ans et celui de l'électorat est ramené de 30 à 25 ans. La Charte de 1830 ne prévoit plus le montant du cens qui est renvoyé à une loi électorale.
            En complément de la première législature inaugurée avant les journées de juillet, des élections sont convoquées le 21 octobre dans le 1er arrondissement pour remplacer Louis Rousseau de Saint-Aignan nommé préfet. Pierre-Joseph Maës colonel de la garde nationale nouvellement formée est élu. Deux députés élus précédemment ayant refusé de prêter serment au nouveau régime, ils sont remplacés par Varsavaux à Savenay le 6 novembre et René-Marie Luminais au grand collège départemental, qui se réunit pour la dernière fois le 13 novembre. Luminais et Maës seront bientôt des élus du Pays de Retz.
            Le 18 avril 1831, une loi organique est votée qui prévoit l'abaissement du cens de 300 à 200 francs (100 francs pour les hommes de talent ou d'utilité, ceux que l'on appelle les capacités). Ce premier volet de la loi contribue à doubler le nombre d'électeurs (de moins de 90000 à 166000). En raison de cet accroissement (1905 électeurs en Loire-Inférieure), la tenue d'un collège électoral départemental n'est plus possible. La hiérarchisation des votes entre collèges est ainsi supprimée. Chaque arrondissement administratif devient le siège d'au moins un collège électoral, ceux-ci ne pouvant excéder les limites de l'arrondissement administratif.
             Dans la Loire-Inférieure, l'arrondissement de Nantes comporte 3 collèges, les 1er et 2e pour Nantes ville, le 3e que Félix Libaudière  appelle la partie rurale de l'arrondissement de Nantes est constitué des 4 cantons de Bouaye, Legé, Machecoul, Saint-Philbert-de-Grandlieu en Pays de Retz, de ceux d'Aigrefeuille, Clisson, Le Loroux-Bottereau, Vallet dans le vignoble et de 2 cantons du nord Loire Carquefou et la Chapelle-sur-Erdre. 

           Le 4e collège correspond à l'arrondissement d'Ancenis, le 5e à celui de Chateaubriand. le 6e à celui de Paimbœuf, le 7e à celui de Savenay.
           Une des conséquences de l'augmentation du nombre de collèges électoraux, malgré l'abaissement du cens, va être la réduction pour les plus petits d'entre eux du nombre d'électeurs et l'activation de l'article 39 de la charte de 1814 qui prévoit de substituer aux électeurs censitaires manquants dans chaque circonscription, les plus imposés de celle-ci. Au début de la Monarchie de Juillet, le nombre minimum d'électeurs est de 150 par collèges électoraux. C'est le cas du collège de Paimbœuf.
            L'arrondissement de Paimboeuf avec les 5 cantons de Bourgneuf, Le Pellerin, Paimbœuf, Pornic et Saint-Père-en-Retz (25 communes) est classé parmi les plus petits arrondissements de France.  Deux autres arrondissements du département sont dans ce cas : Ancenis et Chateaubriand. 

 

Résultats des 1ères élections d'arrondissement (5 juillet 1831)

 

Collège électoral                   Député                                          Voix obtenues              votants                     Inscrits
Nantes 1
(cantons 1, 2, 3)                     Paul-François
                                                  Dubois                                          145 (51.4%)               282 (74.4%)              379
Nantes 2
(cantons 4, 5, 6)                     René-Pierre
                                                  Chaillou                                         238 (56.1%)              424 (75%)                  565
Nantes 3
(Pont-Rousseau)                   René-Marie
                                                   Luminais                                      129 (67.9%)               190 (51.2%)              371


4e Ancenis                              Louis-Marie-Alexandre

                                                  Levaillant                                       67 (77.9%)                   86 (57.3%)               150


5e Chateaubriand                Joseph Defermon                        38 (52.8%)                   72 (48%)                   150

    
6e Paimbœuf                         Nicolas-Auguste-Marie
                                                  Rousseau de Saint-Aignan        68 (73.9%)                   92 (60.5%)              152


7e Savenay                             César-Marie-François
                                                  Varsavaux                                       69 (54.3%)                  127 (92%)                138

 

TOTAUX                                                                                           1273 (66.8%)               1905

 

Désormais, le Pays de Retz va élire deux députés. Le régime électoral reste le même jusqu'en 1848.

 

2e Législature 1831-1834

 

                 L'élu du département en 1830, et premier élu du 3e arrondissement en 1831 est René-Marie Luminais. Il est le fils d'un député du département de la Vendée au conseil des Cinq-cents et au corps législatif de l'Empire. D'une famille d'homme de lois originaire de Bouin, il se distingue par ses opinions avancées, on le dit républicain, et par un intérêt pour les questions agricoles. Les entreprises de desséchement qu'il dirige dans l'Indre-et-Loire vont le conduire à abandonner son mandat en 1834. Il reprendra une carrière politique dans ce département qui l'élira son représentant en 1848.
                 Qu'il s'agisse d'anciens marais comme à Bouin où le collègue député et compatriote de Luminais, Sébastien Luneau  dirige les travaux pour le compte de la famille de Saint-Céran ; ou de plans d'eau, le desséchement est une activité qui génère tout à la fois convoitise et rejet. L'ancien député le comte Auguste de Juigné et le futur Aristide Locquet de Grandville s'entendent en Pays de Retz pour relancer les projets d'assèchement du lac de Grandlieu initiés avant la Révolution par le père du premier. La famille de Juigné qui a vu reconnaître ses droits de propriété sur la plus grande partie du lac doit cependant tolérer sur ses rives (et sur le lac lui-même pour 143 ha) le domaine de son adversaire en politique, le libéral Louis de Saint-Aignan.
                Des sept députés élus en 1831, quatre sont considérés comme plus avancés dans leurs opinions. Luminais est de ceux-la avec Dubois à Nantes et les députés d'Ancenis et de Savenay. Les trois autres sont considérés comme des ministériels partisans du 13 mars, date de l'établissement du ministère Casimir Périer, théoricien de la monarchie constitutionnelle, réputé plus conservateur que celui de son prédécesseur Laffitte.

 

               Auguste Rousseau de Saint-Aignan fait partie de ces ministériels. Chassé par Levesque de la circonscription de Pont-Rousseau  l'année précédente, il prend sa revanche en se faisant élire deux fois en 1831, à Chateaubriand et à Paimbœuf. Dans ce nouvel arrondissement électoral pour lequel il choisit de siéger, il est facilement élu par 68 voix contre 14 au médecin Janière.

 

3e Législature 1834-1837

 

              Les élections du 21 juin 1834 vont voir les légitimistes prendre part à la compétition. Ils se sont abstenus aux cantonales du département l'année précédente.
              Le scrutin est serré pour le 3e collège qui se réunit dans la maison de Madame Pion à Pont-Rousseau. Trois tours sont nécessaires pour départager le libéral Jacques Laffitte, le candidat légitimiste Hennequin avocat à Paris, le républicain Hyacinthe Colombel président du tribunal civil de Nantes et  F.J. Verger. Laffitte l'emporte par 134 voix contre 74  au candidat légitimiste.
              Le banquier Jacques Laffitte, après avoir été à l'origine de l'arrivée au pouvoir de Louis-Philippe d'Orléans, devient en novembre 1830 le premier président du conseil du roi des français. Partisan du Mouvement vers plus de démocratie, il est remplacé le 13 mars 1831 par le représentant du parti de l'Ordre Casimir Périer. Désormais de l'opposition de gauche, il est élu à Bayonne en juillet 1831. Entre temps en raison de son engagement politique, les affaires du banquier ont périclité. Sa banque liquidée, il doit vendre une partie de ses biens et une souscription nationale est lancée par ses amis en 1833 pour lui conserver son hôtel parisien. Relayée à Nantes, la souscription atteint 5000 francs dans le département. La générosité des nantais l'incite à se présenter devant eux aux législatives mais il est aussi élu à Rouen et à La Roche-sur-Yon. Laffitte n'est pas le seul homme d'état élu en Loire-Inférieure. A Savenay, un autre opposant, leader de l'opposition dynastique est élu : Odilon Barrot. Cette situation menace le député réélu du 1er arrondissement Paul-François Dubois (lui-même rennais). Il y a trop d'élus étrangers au département et Dubois doit à nouveau affronter les électeurs qui le réélisent en septembre. En octobre Laffitte et Odilon Barrot offrent un banquet à leurs électeurs à Nantes, à l'Hôtel de France, mais choisissent d'aller représenter d'autres départements.
              Le 3 janvier 1835, les électeurs de Pont-Rousseau sont à nouveau convoqués pour remplacer Laffitte. Ils choisissent Jean-Baptiste Nicolas Blanchard, un juge nantais maire du Bignon qui s'est distingué dans la lutte contre l'insurrection légitimiste qui s'est achevée en 1832 par l'arrestation de la duchesse de Berry. Il est vainqueur d'un membre de la famille Laënnec (probablement l'avocat Christophe Pélage Laënnec conseiller municipal de Nantes, cousin de l'inventeur de l'auscultation) mais le score est serré, 119 voix contre 115 . Comme Laffitte et son prédécesseur Luminais, Blanchard vote avec la gauche de l'assemblée.

 

              Dans l'arrondissement de Paimbœuf, le mouvement légitimiste est représenté par Aristide Locquet de Grandville du Port-Saint-Père mais il est battu par 63 voix contre 25  par le négociant Pierre-Joseph Maës président du tribunal de commerce de Nantes. La maison d'armement Maës est une des plus importante du port de Nantes qui se rappelle à son avant port pour cette élection. Né dans la paroisse de Saint-François du Poste de Natchitoches en Louisiane à proximité du territoire Natchez cher à Chateaubriant  , Maës, d'origine hollandaise a épousé la fille de l'armateur nantais également d'origine hollandaise Mathias Haentjens propriétaire du domaine de Gesvres à Treillière. Préférant se consacrer à sa maison de commerce il présente sa démission de député au bout d'une année.
              Il est remplacé le 6 février 1836 par le capitaine de vaisseau Théodore-Constant Leray élu par 65 voix contre 26  au journaliste Armand Carrel. Le député élu Leray n'a pas encore gagné ses galons d'amiral mais son adversaire du jour est célèbre. Fondateur avec Thiers du journal républicain le National, il a joué avec son journal un rôle important dans la Révolution de juillet. Sa candidature à Paimbœuf ressemble à celle de Paul-François Dubois à Nantes, lui-même fondateur du Globe autre journal d'opposition sous la Restauration, élu député en 1831. Mais ce dernier bénéficie à Nantes du soutien de Camille Méllinet et de son journal Le Breton. Quelques mois après son élection manquée, Armand Carrel se bat en duel avec Emile de Girardin fondateur de La Presse dont le succès du à l'apport de la réclame fait de l'ombre à ses concurrents. Blessé, Armand Carrel décède le 25 juillet. C'est la première fois que la presse apparaît dans le débat politique en Pays de Retz. 
 
4e Législature 1837-1839

 

             Les élections de 1837 sont l'occasion de l'émergence d'un autre poids lourd de la politique dans le paysage législatif départemental. Mais Adolphe Augustin Marie Billault qui se présente devant le 3e collège de Pont-Rousseau et le 4e d'Ancenis n'est pas étranger au département. Jeune avocat, il a défendu les insurgés nantais de 1830. La même année il rentre au conseil municipal de la ville et en 1833 au conseil général du département. Son élection à Pont-Rousseau se fait au détriment du légitimiste Pierre-Antoine Berryer par 192 voix contre 144 . Cet autre avocat brillant est un des principaux orateurs de l'opposition monarchique à la Chambre. Il a connu la prison à Nantes en 1832 pour avoir rencontré la duchesse de Berry lors de sa tentative de soulèvement royaliste, c'est un proche d'Aristide de Grandville. Egalement élu à Ancenis, Adolphe Billault opte pour cette circonscription qu'il va représenter jusqu'en 1848. En 1839 il entre au gouvernement et va poursuivre une brillante carrière qui le mènera à la présidence du corps législatif du Second Empire.
              Pour le remplacer, les électeurs de Pont-Rousseau vont choisir un autre espoir de la politique libérale. Elu le 17 février 1838, Victor Ambroise Lanjuinais a 35 ans. Il est, comme Billault, de la génération née après la Révolution. Fils de Jean-Denis Lanjuinais député breton aux Etats généraux, président de la Convention en juin 1795 et bien qu'opposant à Napoléon, président de la Chambre des représentants des Cent-Jours, le nouveau député, également conseiller municipal de la capitale, n'ignore rien des mutations politiques opérées depuis la fin de l'ancien régime. Victor Lanjuinais connaît bien l'œuvre de son père qu'il a publié en quatre volumes en 1832. Le père de l'élu de Pont-Rousseau (mort en 1827), a influencé par ses nombreux écrits la pensée politique de son temps. Le second volume de ses œuvres Constitutions de la Nation française, propose de nombreuses réflexions sur l'esprit de la Charte de 1814. Le chapitre sur les collèges électoraux est un long plaidoyer pour le suffrage censitaire qu'il convient de connaître pour appréhender l'esprit d'un mode électoral qui représente pour l'auteur un incontestable progrès né de la Révolution. 
              L'élection est plus disputée que la précédente. Victor Lanjuinais n'est pas le seul représentant de l'opposition dynastique, il lui faut compter avec le colonel Lamoricière. Henri de la Rochejacquelein  et Aristide de Grandville sont présentés par le camp légitimiste et le maire de Nantes, Ferdinand Favre, est le candidat ministériel. Ce n'est qu'au troisième tour que Lanjuinais l'emporte de très peu, 182 voix contre 178  au marquis de La Rochejacquelein. Quelques mois plus tôt, un des fameux inexplosibles, bateaux à aubes destinés à remonter la Loire, inventés par Vincent Gâche et financés par l'entreprenant marquis, avait atteint Orléans avec succès.
             Avec l'élection de Billault à Ancenis, celle de Lanjuinais à Pont-Rousseau, la réélection de Dubois à Nantes, trois députés qui vont rester en place jusqu'à la fin du régime (ils sont tous les trois membres de la commission du budget), la représentation du département connaît avec la stabilité, un prestige qui dépasse le cadre de la Chambre des députés. Au début de 1840, Adolphe Billault devient sous-secrétaire au commerce et à l'agriculture dans le second gouvernement d'Adolphe Thiers et Paul-François Dubois est nommé directeur de l'Ecole Normale. Lanjuinais, plus jeune, attendra 1849 pour devenir à son tour ministre de l'agriculture et du commerce.

 

            L'arrondissement de Paimbœuf ne connaît pas la même stabilité. Le 4 novembre 1837 Théodore Leray remet son mandat en jeu devant les électeurs mais échoue de peu, 53 voix contre 55  au libéral Félix Cossin de Chourses. Le provisoire échec politique du marin va le renvoyer dans la carrière briguer grade et honneurs.
            Son adversaire du jour n'est pas un inconnu du négoce nantais toujours influent au chef-lieu d'arrondissement. Son père également prénommé Félix meurt en 1816 en laissant une fortune de 4 millions de francs, la plus grosse de Nantes dit-on. Il s'est fixé au château de la Blanchardais à Vue acquis en 1805 après avoir fait fortune en armant pour la traite négrière et la course. Il est membre du conseil municipal de Nantes sous l'Empire. En 1822, Félix second du nom a 24 ans et l'esprit exalté des nostalgiques de l'Empire. Il rallie la conspiration du général Berton, officier rayé des cadres après les Cent-Jours, un des complots de la Charbonnerie visant à renverser le régime né de la Restauration. Comme son chef, il est condamné à mort mais connaît un meilleur sort que lui en échappant à la guillotine.
             La suite de sa carrière est moins aventureuse d'autant que le fils n'a pas semble t-il la fibre négociante du père et il se contente de gérer ses biens. En 1828 cependant, il s'associe à Basilic Leray oncle du futur amiral, ancien capitaine corsaire de son père pour la fondation de la compagnie de navigation Les Riverains du bas de la Loire . Depuis 1833, il est conseiller général pour les cantons de Bourgneuf et du Pellerin. Il appartient à la Chambre à l'opposition au ministère Molé.
              Félix Cossin démissionne en fin de mandat et ne se représente pas devant les électeurs.


5e Législature 1839-1842

 

            Les élections de 1837 n'avaient pas dégagé de majorité à la Chambre. Après la démission du ministère Molé malmené par les libéraux, le roi dissout l'assemblée et convoque de nouvelles élections en mars 1839. Elles vont amener une majorité d'opposants à laquelle appartiennent les députés du Pays de Retz élus en début de législature.
            Dans la 3e circonscription Victor Lanjuinais est réélu contre le même adversaire légitimiste La Rochejacquelein en améliorant son score précédent 231 voix contre 186  à son adversaire.

 

            Dans la 6e circonscription, le médecin nantais Jacques-Constant Benoist est élu en remplacement de Cossin démissionnaire. Libaudière  le dit vainqueur de Théodore Leray. Ce dernier vient de se distinguer lors de la prise de Vera Cruz (décembre 1838).
           Deux ans plus tard le député Benoist démissionne, il mourra à Pornic en 1866. Théodore Leray de retour du Mexique et de l'escadre du Levant où il a été nommé en 1840, se présente devant les électeurs de Paimbœuf et est élu par 72 voix contre 41 à Luminais . Quelques mois plus tard, on l'envoie protéger Tunis contre les Ottomans et à la fin de l'année (10 décembre) il est élevé au grade de contre-amiral. En raison de cette promotion, il doit se représenter le 25 décembre 1841 devant ses électeurs qui lui renouvellent leur confiance par 79 voix sur 85 votants .

 
6e Législature 1842-1846

 

            Le 9 juillet 1842, le marquis de La Rochejacquelein renonce à se présenter dans la 3e circonscription et conquiert le siège de député de Ploërmel (Morbihan). Victor Lanjuinais est opposé à un autre légitimiste, figure de proue du commerce nantais, Michel Eusèbe Mathias Betting de Lancastel, il l'emporte par 241 voix contre 193 .
             Betting de Lancastel, négociant de 45 ans est un ancien directeur général de l'Intérieur de l'Île Bourbon (La Réunion). En 1836, il publie à Paris une brochure questions coloniales dans laquelle il expose en préambule la question de l'esclavage en rappelant que dès 1831 il a réclamé l'émancipation des esclaves par voix de rachat. Après avoir exposé la question des sucres, obsession du commerce nantais, il dresse un constat négatif de l'état des colonies, selon lui mal gouvernées et insuffisamment représentées à la Chambre. En 1840, il plaide auprès du ministre du commerce la cause de Saint-Nazaire pour l'obtention d'une tête de ligne des paquebots transatlantiques. Quelques mois avant l'élection de 1842, la chambre de commerce de Nantes (il en deviendra plus tard président) délègue Betting de Lancastel pour défendre le dossier du chemin de fer de Paris à l'océan par Nantes. Le 11 juin 1842 est promulguée la loi sur les chemins de fer, mais il faut attendre 1844 pour que des crédits soient alloués au projet et l'année suivante pour le lancement des travaux. Betting de Lancastel est administrateur, avec l'ancien député Maës, de la société concessionnaire Mackensie.

 

             Devant le collège électoral de Paimbœuf, l'amiral Leray fraîchement promu et réélu est opposé à l'ancien député démissionnaire de 1835, Pierre-Joseph Maës. Il le distance de 24 voix (72 contre 48) . La Chambre de commerce de Nantes, qui n'a pu faire élire un des siens ni à Pont-Rousseau, ni à Paimbœuf après les échecs de Betting de Lancastel et Maës, va reporter ses espérances sur le marin. En mai 1845, est débattue à la Chambre la future loi Mackau, du nom du ministre de la Marine et des colonies. Elle porte sur le régime législatif des colonies et n'apporte que de timides améliorations au régime des esclaves, là où un orateur comme Tocqueville, ami de Lanjuinais, réclame l'abolition immédiate. Leray, dans un discours de deux heures fait l'apologie du régime colonial et affirme que la condition des esclaves s'est beaucoup améliorée avec la progression des idées libérales et la suppression de la traite. Les propos de l'amiral sont vivement dénoncés dans la presse par Victor Schœlcher .
            En s'opposant à la loi voulue par le baron Mackau, Théodore-Constant Leray relaie l'opinion de la Chambre de commerce de Nantes qui craint avec le dépérissement des colonies la ruine du commerce et accessoirement l'abaissement de la marine chère à l'orateur. Dans cette affaire, il témoigne d'un esprit aussi conservateur que celui qui règne à la Chambre des pairs où les partisans du maintien de l'esclavage ne manquent pas.


7e Législature 1846-1848

 

            Le régime inauguré dans les journées de juillet 1830 touche à sa fin. A la Chambre, le centre-droit de François Guizot domine. Comme en 1842, la législature est interrompue par Louis-Philippe qui dissout la Chambre des députés pour conforter la majorité favorable au ministre qui devient président du conseil en 1847. Mais dans le pays, la mauvaise situation économique alimente une agitation sociale qui met en évidence le défaut démocratique du régime et va conduire à sa perte. Les propositions de réforme électorale par l'abaissement du cens, les aspirations républicaines à l'établissement du suffrage universel trouvent leur expression dans la campagne des banquets de l'été 1847 qui prépare le terrain aux évènements révolutionnaires du printemps suivant.

           Victor Lanjuinais réélu dans le 3e collège électoral est favorable aux réformes électorales mais il ne participe pas à la campagne des banquets. Son adversaire est toujours Betting de Lancastel, plus nettement distancé cette fois, 263 voix pour le député sortant contre 46 à son adversaire . Dix ans après avoir été élu pour la première fois par la circonscription, le libéral Victor Lanjuinais sera confirmé en avril 1848 par le suffrage universel et deviendra, cette fois-ci sous l'étiquette conservatrice, le premier élu du département à la Constituante de la Seconde République.

 

          A Paimbœuf, le 6e collège électoral ne va pas reconduire l'amiral Leray, l'opposition républicaine parvient à retourner quelques électeurs et fait subir une nouvelle défaite au député sortant. Evariste Jean Marie Colombel l'emporte par 79 voix contre 73 à Leray . Le vaincu jugé trop conservateur est rejeté à la fois par une partie de ses électeurs et par les milieux ministériels. Le ministre de la marine n'a pas apprécié son opposition aux réformes coloniales et met en échec son admission à la Chambre des pairs. Insuffisamment ministériel, l'amiral échoue à la porte d'une assemblée que son conservatisme lui promettait. Il meurt du choléra en 1849.
           Le nouveau député est avocat et le fils de Hyacinthe Colombel, adversaire de Jacques Laffitte à Pont-Rousseau en 1834. L'élection d'un républicain dans un arrondissement que le suffrage universel désignera comme conservateur puis monarchiste est tout à la fois l'illustration des limites du scrutin censitaire dans lequel le déplacement négocié de quelques voix se substitue au débat démocratique auquel aspirent les républicains, et le signe que la République apparaît comme le régime de recours auquel nombre de conservateurs vont se rallier.
           C'est principalement à Nantes qu'Evariste Colombel va illustrer la cause républicaine en devenant le premier maire (désigné) à diriger un conseil municipal élu au suffrage universel.

 

            La chute du régime de juillet met un point final à l'expérience de la Monarchie constitutionnelle. Amorcé sous la Restauration, le rapprochement du pays légal hérité de la Révolution et du pays réel qui s'exprimera dans sa composante masculine à partir de 1848, s'est poursuivi timidement après l'abaissement du cens mis en œuvre par la loi de 1831. L'établissement de véritables collèges électoraux d'arrondissements paraît alors l'innovation marquante de la période en absence d'avancée démocratique. L'établissement du suffrage universel masculin par la Seconde République s'accompagne du choix du scrutin départemental de liste qui se veut rupture avec le régime précédent en s'efforçant de limiter les influences locales sur un électorat sans expérience.

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