Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Une élection cantonale à Pornic en 1904

            "Si la chambre des députés est le théâtre de l'expression et des décisions politiques au début de la IIIe République , l'essentiel des luttes qui y ont concouru se situe tout autant, et sinon plus, dans l'espace rural que dans les villes industrialisées. La France d'avant 1914, que l'on dit figée dans ses campagnes, est en réalité parcourue de mouvements contradictoires et désordonnés, exacerbés en période électorale, mais qui, même dans leur caractère outrancier, témoignent d'une démocratisation de la vie publique. C'est que les républicains ont compris depuis longtemps l'importance du vote rural. Ils vont s'efforcer de le conquérir en utilisant les libertés qu'ils mettent en place en arrivant au pouvoir. Après la loi du 30 juin 1881, la liberté de réunion n'est plus bornée que par la nécessité de constituer un bureau responsable du bon ordre des débats, et par une simple déclaration à l'administration. Après celle du 19 juillet de la même année, la liberté de la presse est assurée par un texte qui, pour l'essentiel, sert encore de cadre aujourd'hui, à l'activité journalistique. Cette liberté et les progrès techniques assurent un développement considérable à la presse nationale. La presse locale dont l'arrondissement ou le canton servent de cadre en bénéficie également et propose à ses lecteurs des journaux à un sou.

L'Echo de Paimboeuf, organe des républicains modérés a, depuis le début de 1903, un concurrent plus radical : le Pays de Retz. Comme pour beaucoup de petits journaux, un rédacteur suffit pour l'essentiel à chacune des deux feuilles. Ferdinand Goyaud à Paimboeuf et son concurrent de Chauvé, Julien Bouvron travaillent souvent à coups de ciseaux, recyclant parfois des textes de leurs homologues parisiens ou leurs propres articles. Mais si, en période d'élection l'outrance et le sarcasme, les attaques personnelles même sont de rigueur, le talent n'est pas absent de "papiers" où le jugement politique s'ajoute à la simple relation des faits."

Extrait de "Les Apaches" article paru dans le bulletin N°1 de l'Association PORNIC HISTOIRE juin 2006

Contact association : 02 40 82 94 80

 

Voici quelque uns des  articles parus dans "l'Echo de Paimboeuf" et dans "le Pays de Retz" à l'occasion de cette élection qui oppose le Républicain modéré "réactionnaire" Jules Galot au Républicain de Gauche "blocard" Léon Van der Sluys.  

 

 

Echo de Paimboeuf du 17 juillet 1904

La réunion du Port

C'est un blocard !!!

Dimanche dernier devant un grand nombre d'électeurs, M. Van der Sluys a fait, au Port du Clion, une conférence dans laquelle il devait développer son programme.

Au lieu de traiter les questions d'intérêt communal, il n'a guère parlé que de l'impôt sur le revenu, remplaçant les quatre contributions, et de la solidarité humaine.

Dans un langage plutôt embrouillé, il a fait de longues tirades philosophiques qui paraissaient n'intéresser que fort peu l'auditoire. Fréquemment rappelé à son programme M. Van der Sluys s'est contenté de critiquer les actes de son concurrent M. Galot.

Il semblait embarrassé pour traiter la question des intérêts locaux, qu'il ne connaît peut-être pas suffisamment mais bientôt, comme il fallait en finir, il fut interpellé sur ses sentiments politiques et dut répondre aux questions suivantes :

-Approuvez vous la loi contre les congrégations ? la suppression de la liberté d'enseignement ?

Péniblement M. Van der Sluys a répondu : oui !

-Approuvez vous l'enlèvement des crucifix ?

Toujours péniblement M. Van der Sluys a répondu : oui !

-Approuvez vous la politique de M. Combes ?

M Van der Sluys a répondu nécessairement : oui !

L'auditoire, éclairé sur les sentiments politiques et religieux de M. Van der Sluys, commençait à s'éloigner, lorsque M. de Juigné demanda à M. Van der Sluys si, le cas échéant il donnerait sa voix à un franc-maçon.

Encore une fois M. Van der Sluys répondit : oui !

Enfin un électeur indiscret voulant savoir de M. Van der Sluys lui-même s'il était bien exact qu'il fut l'obligé de M. Galot, M. Van der Sluys dut le reconnaître. Aussitôt l'auditoire manifesta des sentiments peu sympathiques à l'égard du conférancier, et la séance se termina par l'énumération des promesses plutôt extraordinaires que M. Van der Sluys avait cru devoir faire à ses électeurs.

On racontait dans le public que M. Van der Sluys avait promis : à la Feuillardais, un bureau de tabac, un bureau de poste et une chapelle ; à la Baconnière, une école de hameau ; à Haute Perche, vous ne devinerez jamais quoi ! – des certificats d'études à tous les enfants !... Voilà un petit coin qui sera bien traité …

Un question très intéressante fut aussi soulevée. Qui paiera ?... qui donnera l'argent ?... M. Van der Sluys n'eut garde d'insister … mais la physionomie souriante des auditeurs indiquait qu'ils n'étaient pas dupes de ce subterfuge. Comme malgré eux, il se faisait dans leurs esprits un rapprochement singulier entre les promesses merveilleuses de M. Cellerier et celles non moins merveilleuses du conférencier.

Pour terminer, donnons la note comique, recueillie dans la bouche d'un électeur, ami de M. van der Sluys, qui navré de l'insuccès de son candidat, s'écria d'un ton piteux :

"C'est dégoûtant on lui fait dire ce qu'il voulait tenir caché"

                                                                                                                              Un groupe d'électeurs

Le Pays de Retz du 17 juillet 1904

Les Apaches

M. Galot avait tenu sa promesse. Une fois n'est pas coutume. Véhiculé par l'automobile de Mr Jacques Leclerc marquis de Juigné, il était au Port à la même heure que son concurrent.

L'entrevue fut ahurissante. Eprouvant le besoin de crâner devant Mr de Juigné son cornac, ce bon Galot invectiva violemment M. Van des Sluys avant la réunion, lui reprochant entre autres crimes de n'être ni maire de Sainte Marie ni conseiller général. Alors pourquoi ne pas lui faciliter l'accès à ce second mandat ?

Après la réunion le député était redevenu tout doux, serrant la main de son adversaire, le félicitant de son intelligence, lui donnant des conseils !!!

C"est que, dans l'intervalle, mon Jules Galot avait pris quelque chose pour sa coqueluche.

A la réunion, 200 personnes dans une grange, les républicains en forte minorité, massés autour de notre candidat, les réactionnaires … autour de Mr de Juigné, personne ne faisant attention à ce pauvre Galot.

Les bons compères, Galot et Juigné avaient fait le boniment le matin à Arthon, profitant - les braves – de ce que M Van der Sluys n'y était pas, et ils avaient amené de là tous leurs fidèles préalablement éméchés.

Il en vint même de Cheméré, les Moutiers et la Bernerie, localités étrangères au canton. Le guet-apens était bien préparé.

Le bataillon des apaches de la bonne cause était encadré par de solides sergents parmi lesquels nous citerons outre Mr Bocandé, qui s'était privé ce jour-la de sa verte, MM Boubée, Quéneau, qui braillait comme un sourd qu'il est, et Chauvet du Pas-de-la-haie, qui fit la joie de l'assistance en demandant à Mr Van der Sluys : "Me prenez vous pour une bête ?" Mr Van der Sluys eut la générosité de ne pas lui répondre.

Tout ce joli monde avait pour mission de couvrir de hurlements la voix du candidat républicain, tandis que Mr de Juigné le pressait de questions "auxquelles on ne le laissait pas répondre" !

Or Mr de Juigné est intelligent, et il jouit de la considération du grand public. Il faut donc qu'il trouve sa cause bien mauvaise pour qu'il ne puisse la défendre par des moyens honnêtes et propres. Il faut dire que Mr Galot s'était engagé à ce que l'ordre ne soit point troublé, de son coté Mr Van der Sluys ne consentit que sur cette promesse qui ne fut pas tenue, à se passer d'un bureau.

Toujours la bonne foi de Basile !

Invités à monter à la tribune, ni Galot ni son accompagnateur n'y consentirent, et nous fûmes privés des "lueurs étranges" que répandent les yeux du petit marquis lorsqu'ils regardent Ferdinand Goyaud.

Il ne le trouve pas beau, parbleu !

Ce fut dans ces conditions que Mr Van der Sluys injurié par les braillards à la solde de la réaction, déloyalement interrompu par MM de Juigné et Galot, garda la tribune pendant deux heures.

Il rendit le courage à ses amis lorsqu'aux clameurs furieuses des brutes avinées qui l'insultaient sans l'entendre, il répondit par le cri de "vive la République!"

Les vociférations de la meute à Queneau étaient devenues à certains moments plus intenses, notre candidat alluma une cigarette, et, les bras croisés, souriant à la valetaille hurlante, il attendit que le calme fut revenu. Défendant le terrain pied à pied profitant des plus courts instants de silence, notre ami Van der Sluys affirma sa volonté d'arracher notre sol au joug réactionnaire et des Juigné et des Galot.

Il convainquit le second d'être à la remorque du premier et d'avoir trahi la confiance des républicains.

Ce fut l'évocation du temps où Galot se faisait escorter par le sous préfet Trinquet et demandait à Mr Van der Sluys père son appui contre le défunt comte de Juigné, oncle de son protecteur actuel.

Ce fut le récit de la campagne de 1900 où Galot en pleine bataille lâchait Mr Lefeuvre pour soutenir Mr de Juigné qui lui rend aujourd'hui la monnaie.

Mr galot fut convaincu de ne s'être maintenu que par ses successifs marchandages, et,  lorsqu'il voulut se débattre, son propre défenseur l'acheva par cette déclaration très nette : "Mr Galot n'a été élu député que grâce à mon oncle ; je surveille ses votes dans toutes les grandes questions et je le combattrai le jour où ses votes me déplairont"

Jules n'avait plus qu'à s'asseoir ; c'est ce qu'il fit. Entre temps, Mr Van der Sluys lui repprocha son attitude à la chambre contre la loi de 2 ans dont il vota le renvoi en conseil supérieur de la guerre ce qui eut entravé sans le vote contraire de la majorité républicaine un retard d'un an.

Très judicieusement aussi, notre ami montra que, quoique fonctionnaire, il pouvait faire un conseiller général indépendant puisque les conseillers généraux n'ont pas le droit de faire des vœux politiques. Il rappela à ce sujet que seuls les gouvernements réactionnaires peuplaient de fonctionnaires les chambres politiques, ainsi que l'ignore ni Mr de Juigné.

Ce dernier avait fort à faire, obligé qu'il était d'empêcher Mr Galot de dire des puérilités tout en menant la discussion sur chaque phrase de Mr Van der Sluys.

Ce labeur était trop lourd pour ses épaules. Il chercha à provoquer les violences du public en affirmant sans le prouver que Mr Van der Sluys était franc-maçon.

Nous prenons acte de ce grave mensonge suffisant pour vicier l'élection. Il s'embourba dans la question religieuse et montra qu'il confondait la loi se 1901, qui permet l'autorisation des congrégations, avec les mesures d'expulsion prises par Mr Combes.

Parvenu au bout de son rouleau, Mr de Juigné escorté de son ami Galot et de ses apaches, se retira et ne put, malgré des invitations à boire répétées, entraîner l'auditoire qui resta près de Mr Van der Sluys jusqu'à ce que celui-ci eut terminé sa protestation indignée contre les perturbateurs de la liberté de réunion.

Nous prévenons la bande d'énergumènes qui insulte ainsi un homme honnête et instruit, et empêche le public de l'entendre, qu'elle peut, si bon lui semble, se transporter à d'autres réunions et recommencer ses exploits. Nos dispositions sont prises. Si Mr Van der Sluys n'est pas écouté, aucun de ses contradicteurs ne parlera.

Ces braves à trois poils ne sont d'ailleurs courageux que lorsqu'ils sont le plus grand nombre. Nous le verrons bien dimanche 17 au bourg d'Arthon.

Il résulte du récit de cette réunion scandaleuse que Mr Van der Sluys a tenu tête au tumulte et mis en retraite ses adversaires eux-mêmes ; qu'aucun d'eux n'a eu le courage d'aborder la tribune, et que ces gens qui se dérobent en un jour à deux réunions sur trois, ne viennent à la troisième que pour y faire du chambard.

Il sont du parti de l'ordre !

En se montrant sous leur jour véritable ils accroissent le dégoût de leurs concitoyens déjà lassés des brutalités et des goujateries de cette caste patronale et féodale qui, non contente de lui voler le pain de la bouche pour délit d'opinion, recoure encore à la violence pour empêcher une parole indépendante de s'élever.

Le vote est secret, MM les hobereaux !

Mr Galot "qui n'a pas grand-chose à dire" prétend avoir comblé Mr Van der Sluys de ses bienfaits et l'avoir recommandé à Mr Méline pou le faire entrer à l'Intérieur. C'est ce qu'il a dit textuellement au Port.

Or Mr Méline est tombé du pouvoir en juin 1898, et Mr Van der Sluys a concouru pour le ministère en mars 1899 sous Mr Charles Dupuy, contre le gouvernement duquel Mr Galot a voté.

Mr Galot a plus d'imagination que de sincérité.

 Le Pays de Retz du 17 juillet 1904

"Pris à son propre piège – M. Galot et la Franc-maçonnerie – des faits et non des mots !"

Par Julien Bouvron

 Notre vieil ami Jules est décidément en pleine déveine. Après nous avoir parlé vaguement de son passé, de celui "que tout le monde connaît" il ne pensait pas qu'une main indiscrète allait soulever le voile du temps, pour y fouiller dans ce qui aurait du rester secret pour les uns et oublié pour les autres.

Il s'était dit sans doute bien des fois

Il est des heures dans ma vie

Que je veux oublier

Il les avait oublié, peut être. Nous le lui avons rappelé, comme c'était notre devoir.

Dimanche dernier, notre ami Léon Van der Sluys faisait une conférence au village du Port, commune du Clion.

M. Galot accompagné du marquis de Juigné s'y rendit avec ses plus chauds partisans du bourg d'Arthon et des villages voisins, de la Bernerie, des Moutiers etc.

A chaque phrase de notre ami le marquis ou son protégé interrompaient violemment.

A un moment donné, dans un geste mélodramatique, tous les deux, le bras tendu vers M. Van der Sluys, criaient avec fureur : "Franc-maçon ! vous êtes un franc-maçon ! vous êtes un franc-maçon !"

Malgré les dénégations de M. van der Sluys, ils répètent avec une certaine fermeté : "Si ! si vous êtes franc-maçon"

Saisi d'indignation devant l'attitude de ces deux individus affirmant sans savoir, au gré de leur imagination, je crie à l'ami Jules : "Et vous M. Galot, êtes vous franc-maçon ou l'avez-vous été ?"

M. Galot – Moi ! mais vous êtes fou, toutes mes déclarations sont là prouvant le contraire de ce que vous dites.

- Et bien nous allons voir si je suis fou répondis-je.

 Je m'avançai devant M. Galot et le marquis et je voulus m'expliquer.

Il me fallut bien 5 minutes avant de pouvoir prendre la parole, la suite du marquis criait à plein gosier des mots parmi lesquels je démêlai : " Expliquez vous" Je me mis la main sur la bouche pour faire voir qu'on me la fermait. Il était en effet impossible de me faire entendre avec un potin pareil. Enfin le silence finit par se faire et je demandai que, si l'on voulait que je m'explique, il ne fallait pas couvrir ma voix.

 Je dis en substance :

- Si l'on se rapporte à une brochure récente dont l'auteur est M. Delamaire, évêque de Périgueux, il est un certain nombre d'œuvres maçonniques parmi lesquelles, au premier chef, la Ligue de l'Enseignement.

 Oui – oui parfaitement

 Je laisse la responsabilité de cette affirmation à Mgr Delamaire, mais je demanderai loyalement et catégoriquement à M. Galot : "Avez-vous, à un moment donné, fait partie de la Ligue de l'Enseignement ?"

 - Non, jamais ! répond l'honorable député.

 Et bien, M. galot je vous affirme que vous avez figuré sur la liste des membres du cercle départemental de la dite ligue, document imprimé que j'ai eu entre les mains.

 - C'est pas vrai, vous mentez ! crie M. Galot

 - C'est pas vrai renchérit le marquis.

 - Vous dites que ce n'es pas vrai marquis! Mais qu'en savez vous ? Alors je suis un imbécile ou un fou, je ne sais pas ce que je dis ?

 - Nous ne disons pas ça mais vous vous êtes trompé : il y a deux Galot.

 Une voix : oui, il y a deux Galot ici.

 M. Galot – Il y a un Gallot imprimeur à Auxerre (dép. de l'Yonne) vous avez confondu.

 M. Bouvron – Je n'ai pas confondu du tout ; je ne suis pas un imbécile. Je parle de l'honorable Jules Galot, ici présent.

 M. galot – Ce n'est pas vrai ! les preuves § les preuves !

M. Bouvron – Les preuves, on vous les servira. Je ne serai pas assez insensé pour m'embarquer sans biscuits et pour procéder comme vous, c'est-à-dire par insinuations malveillantes. Vous avez vous même amené la discussion sur la Franc-maçonnerie je vous ai posé deux questions :

 1/  Je vous ai demandé si à l'exemple de Mgr Delamaire, vous considérez la Ligue de l'Enseignement comme une œuvre maçonnique.

 Vous m'avez répondu affirmativement

 2/ Je vous ai demandé si à un moment quelconque de votre vie publique, vous aviez fait partie de la Ligue de l'Enseignement.

 Vous m'avez répondu : Non, jamais !

 Et bien je constate que votre mémoire est peu fidèle, car je possède des documents imprimés …

 M. Galot – C'est pas vrai ! Je vous donne un démenti formel !

 M. Bouvron – Nous verrons bien. Comme on peut en juger, cette vigoureuse attaque a décontenancé la majeure partie des partisans de M. Galot.

 Celui-ci conclut, avec un geste homérique : " Entre vos affirmations et les miennes le public jugera "

 Pauvre M. Galot !

 Julien Bouvron

Echo de Paimboeuf du 24 juillet 1904

A la Feuillardais

La conférence des plus animée.

L'employé de Combes sans nier qu'il était l'obligé de M. Galot voulut expliquer que le service à lui rendu, n'avait pas l'importance qu'on lui donnait. M. galot s'es contenté de lui répondre qu'il n'était qu'un ingrat.

… renouvelle ses perfides accusations contre son bienfaiteur … d'après lui le maire de Sainte Marie a adhéré à la Ligue de l'Enseignement, comme p^reuve les affirmations du "Pays de Retz" ainsi qu'une liste – comme s'il en coûtait à certains hommes de forger un document ou de le faire disparaître au besoin.

 M. galot a déclaré par trois fois que l'affirmation de Van der Sluys était fausse … Les électeurs le connaissent du reste … ses votes prouvent qu'il a toujours défendu les intérêts religieux et qu'il a toujours repoussé les lois présentées par les sectaires et les Franc Maçons. Il est donc le digne représentant des populations chrétiennes de Loire Inférieure…

 A la Feullardais la conférence s'est close comme les deux précédentes M. Van der Sluys n'a pu devant le vacarme et la violence de ses propres partisans arriver à la fin. Il a du descendre de la planche sur laquelle il était monté et tout a été fini.

Il est facheux pour M. Van der Sluys que la période électorale touche à sa fin car il deviendrait légendaire, le pt'it Léo !

                                                                                                                              Un groupe d'électeurs

Le Pays de Retz du 24 juillet 1904

L'exécution

C'était à la Feuillardais vers 5 heures du soir. Depuis le matin, MM de Juigné et Galot se croyant chez eux, avaient suivi M. Van der Sluys en conférence.

D'abord à Arthon, ensuite à la Sicaudais, soutenus tantôt par le défroqué Seguineau qui est jaloux de Combes tantôt par l'illustre Jean Malard … 

 ils ont persévéré dans leurs procédés déloyaux de discussion …

le public moins dans leurs mains qu'au Port…

Dans les landes, le succès du candidat républicain devrait s'accentuer …

Notre vaillant adversaire Queneau d'Ersaines avait organisé un comptoir volant de bière et de limonade à l'usage du public …

Lorsque l'automobile arrive avec hésitation et retard, on ouvre la séance et un bureau composé de nos amis Joseph Bichon, Jean Marie Gouy et Moreau conseiller municipal de la Feuillardais est constitué.

Les apaches bédassiers de la Poitevunière joints à d'autres importés à grand frais de communes éloignées du canton commencent à invectiver notre ami Moreau parce qu'il n'est pas assez instruit à leurs yeux …

A la tribune M. Van der Sluys prend immédiatement M. Galot à partie : "Vous avez eu recours à la calomnie pour me salir, moi j'apporte des faits. Vous n'avez jamais eu une heure de sincérité dans votre carrière publique. A l'heure où vous combattiez Etiennez, vous faisiez partie avec lui de la Ligue de l'Enseignement. Vous y étiez aussi avec M. Griveaud et avec 5 loges maçonniques – Qu'avez-vous à répondre ?

M. Galot – C'est faux on s'est servi de mon nom sans me consulter.

M. Van der Sluys – Dans ces conditions vous n'avez pas du payer de cotisation à la Ligue.

M. Galot – Evidemment non.

M. Van der Sluys – Réfléchissez bien …

M. galot – Je maintiens mes déclarations.

M. Van der Sluys – J'ai une lettre du secrétaire de la Ligue à cette époque, … vous avez payé votre cotisation et que vous êtes resté dans la Ligue jusqu'à ce que M. Maublanc, président, ait opéré votre radiation … C'est vous qui avez donné votre nom … Vous vous êtes affilié à la Ligue et l'on vous a mis à la porte…

Montrant à la foule M. Galot consterné Van der Sluys s'écrit : voilà l'homme qui me calomnie aujourd'hui …

Le moment est indescriptible ; tous les habitants des landes font une ovation prolongée à notre ami …

Vive Van der Sluys ! Vive la République ! A bas Galot ! A bas le marquis ! A bas les seigneurs !...

Je vous somme de monter à la tribune justifier par des preuves vos accusations contre moi comme j'ai justifié les miennes contre vous crie M. Van der Sluys à son adversaire.

A la tribune répète en chœur la foule, Jules Galot ne bouge pas. Le marquis de Juigné, plus blafard encore qu'à l'ordinaire tremble de colère. Il a trouvé son maître, lui qui marche habituellement parmi les valets.

Un seul homme a eu le courage d'aborder la tribune … pas le défroqué Séguineau … mais le noble Queneau d'Ersaines, en personne … reste couvert ce qui est une impertinence "On se découvre devant le peuple" lui dit-on et le crie de "chapeau" obtient un succès fou. Queneau va ouvrir la bouche mais ne peut dire un traître mot. On lui crie au loup ! au loup !

Vivent les gars des landes ,

Queneau se décide à descendre

La salle entonne :    Il a fort bien parlé

buvons à sa santé

Exaspérés de leur défaite, les réactionnaires ont recours à leurs apaches … la réunion se change en mêlée.

Voyant ses amis fortement bousculés, le "chevalier chrétien"  les laisse en plan, Galot le suit, et après une forte avance à l'allumage, le convoi détale … sous les cris de "A bas les chouans ! A bas les seigneurs ! Hou !" Justice était faite des calomniateurs et des énergumènes, et après leurs tristes exploits du Port, cette correction était nécessaire.

Les apaches, se voyant lâchés par leurs patrons, s'empressent d'imiter un si bel exemple…

Ils sont partis et 200 hommes libres sont restés, parmi lesquels l'honorable M. Boizon adjoint au maire d'Arthon et par les élus du quartier. MM Bouvron et Van der Sluys les remercient de leur sympathies, et notre vaillant candidat … salue dans une magnifique péroraison le peuple républicain des briqueteries … Il montre la lutte tour à tour hypocrite et violente des nobles et des réactionnaires … de toute classe contre la cause du peuple : " Moi aussi …. J'ai pu être trompé par de fallacieuses paroles, croire à la sincérité de ces hommes : c'est une raison pour que de toute mon âme, de toute ma volonté, de toutes mes forces je répare l'erreur commise. J'ai pris en main le drapeau républicain de mon sol natal, le drapeau autour duquel ont combattu ceux dont je suis né, je jure de le conduire à la victoire !

… Vive la République du peuple ! …

C'est au chant de la Marseillaise que se termine cette journée, dont le retentissement sera énorme dans le Pays de Retz, et marquera l'étape la plus décisive vers son émancipation.

Ordre du jour adopté au milieu du plus vif enthousiasme : " 200 électeurs républicains, ouvriers et paysans de  la commune d'Arthon, réunis à la Feuillardais, le 17 juillet après avoir entendu l'exposé des palinodies de M. Galot et les déclarations nettes et loyales de M. Van der Sluys, acclament en lui, à l'unanimité le candidat du peuple et invitent tous les travailleurs du canton, leurs camarades, à faire triompher sur son nom la cause républicaine et démocratique.

Vive la République ! Vive Van der Sluys.

 Le Pays de Retz du 24 juillet 1904

Après la déroute

(fantaisie d’après nature)

Après avoir été mis en déroute à la réunion de la Feuillardais, le marquis de Juigné et son préposé par intérim, Jules Galot, eurent, dit-on, une discussion orageuse dans l’automobile du ci-devant.

Jules Galot – Pourquoi vous obstinez vous, marquis, à me conduire comme par la main aux réunions de mon concurrent, que le diable emporte ! Pourquoi voulez vous toujours tenir le crachoir et parlez-vous en mes lieux et place ? Vous excitez les gens, qui croient, non sans raisons, que nous nous mettons deux contre un. En vérité vous me faites du tort !

Le marquis – C’est vous qui m’en faites plutôt, par vos réponses embarrassées. Après avoir fait partie de la Ligue de l’enseignement laïque, vous venez dire à cette réunion : « On m’a sollicité d’en faire partie ».

 C’était une phrase maladroite, je vous assure.

 Jules Galot – Oui mais j’ai dit que j’avais refusé.

Le marquis – On ne vous a pas cru. La première phrase était de trop.

Jules Galot – C’est pas vrai !

 Le marquis – Que vous êtes donc naïf, monsieur !

 Jules Galot – Je le sais bien.

Le marquis – Et combien vous avez été maladroit quand vous vous êtes écrié dans un geste superbe, j’en conviens : « Montrez moi le reçu que j’ai signé ! » Ces gens d’Arthon ne sont pas tellement arriérés pour ne pas savoir que, quand on se met en société, c’est pour donner de l’argent et non pour en recevoir. On vous disait que vous aviez versé votre cotisation à la Ligue de l’enseignement, et vous répondez que vous n’avez pas touché d’argent ! !

 Jules Galot – Je me suis trompé voilà !

 Le marquis – Quand on se trompe si souvent on ferait mieux de ne rien dire.

 Jules Galot – Merci ! D’ailleurs je suis persuadé encore une fois, que vous me faites du tort. On n’aime pas beaucoup les seigneurs dans ce canton. Vous venez de le voir à la Feuillardais, où vous vous êtes fait tutoyer par les paysans … Si j’avais été tout seul on aurait jamais crié : « A bas les seigneurs ! »

Le marquis – C’est pas la peine de se fâcher ! Observons de part et d’autre le contrat qui nous lie. Vous m’avez cédé l’arrondissement de Paimboeuf pour 1906. Livrez-le moi dans les meilleures dispositions.

Jules Galot – Ces bonnes dispositions ne sont compromises que par vous.

Le marquis – Assez ! ca suffit !

                                                           

                                                                                              L. Indiscret

                             (sous toutes réserves)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #De l'histoire locale à la grande Histoire